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Tribune. Projet de loi sur la fin de vie : «L’aide à mourir constitue le soin ultime» - Le Monde

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Communiqué
11 avril 2024
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Le président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, Jonathan Denis, et le président MGEN, Matthias Savignac, tous les deux co-porte parole du Pacte Progressiste sur la fin de vie qui rassemble 27 organisations, demandent, dans une tribune au Monde, que soit retirée du projet de loi la condition de « pronostic vital engagé » pour bénéficier d’un suicide assisté, sous peine de rompre la promesse républicaine d’égalité.

 

Nous appelons le conseil des ministres, alors qu’il s’apprête à examiner le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, à interroger le modèle français de la fin de vie qui va lui être présenté, au regard des valeurs de notre République.

Les Français appellent de leurs vœux, depuis de nombreuses années, une loi afin que les personnes atteintes de maladies graves et incurables puissent disposer d’une liberté de choix, sans contrainte et dans le strict respect de leur volonté. Une liberté qui leur permettra de concilier l’intime et l’ultime. Les lois françaises ont peu à peu fait progresser le respect de la parole des malades, en prévoyant la liberté de refus des soins, l’interdiction de l’obstination déraisonnable, la désignation d’une personne de confiance et la mise en place de directives anticipées.

Le projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres mercredi 10 avril doit permettre une meilleure prise en compte de chaque situation. Après l’annonce d’une maladie grave et incurable, le rendez-vous prévu entre la personne malade et son médecin devra permettre la mise en place de soins d’accompagnement adaptés à chaque personne, tant au regard de ses besoins de prise en charge pour son confort physique, psychique ou social qu’en respectant ses choix.

Ce projet de loi doit aussi permettre une liberté ultime : celle de pouvoir solliciter une aide à mourir pour la personne dont les souffrances deviendraient insupportables. Nous demandons que le texte légalise le suicide assisté et l’euthanasie pour permettre à chacun de faire ce choix. Afin que l’avis des professionnels de santé soit également respecté, une clause de conscience est absolument nécessaire. L’acte d’accompagner dans la mort restera toujours un acte singulier qui ne peut être imposé : les professionnels de santé doivent pouvoir refuser un acte qu’ils estimeraient contraire à leur éthique personnelle.

Que personne ne soit exclu

Nous militons pour que les personnes atteintes d’une pathologie grave et incurable soient traitées de manière égalitaire. Il est pour cela nécessaire de développer les soins d’accompagnement, dont les soins palliatifs, pour que chacun, quel que soit son lieu d’habitation, puisse y avoir accès. L’aide à mourir fait partie intégrante des soins d’accompagnement.

 Nous militons pour que personne ne soit exclu du modèle français d’accompagnement à la fin de vie. Le projet de loi prévoit que, pour demander l’aide à mourir, il faudra être capable de discernement, avoir un pronostic vital engagé à court ou moyen terme et ressentir des souffrances réfractaires aux traitements. Cela exclut de fait les personnes atteintes de maladies neurodégénératives ou rares. Pour elles, il sera soit trop tôt – leur pronostic vital ne sera alors pas engagé – soit trop tard – elles ne seront alors plus capables de discernement, la maladie entraînant des déficits cognitifs. Pourquoi cette exclusion, contraire aux valeurs universalistes de notre République ?
Les personnes en situation de maladie grave et incurable, souffrant physiquement ou psychologiquement, doivent être traitées de manière égalitaire. Pourquoi certaines pourraient-elles être aidées en France, alors que d’autres devraient continuer à chercher une solidarité en Belgique, en Suisse ou dans la clandestinité ? Afin que chacun puisse trouver une réponse en France, la condition de pronostic vital engagé doit être levée : médicalement, il est très complexe à déterminer, et, dans les faits, cela reviendrait à laisser le choix aux médecins et non aux patients. Nous souhaitons que les personnes malades puissent déterminer elles-mêmes le moment où leurs souffrances deviennent trop insupportables pour continuer à vivre, et demander alors à être aidées à mourir.

Ecoute, empathie et respect

Nous demandons également que les directives anticipées rédigées en conscience puissent être prises en compte dès lors que la personne ne sera plus en mesure de s’exprimer, ce qui est l’objectif premier de ces directives.

La fraternité, enfin. Nous souhaitons un modèle français qui accompagne les personnes jusqu’au bout de leur vie de manière solidaire. Un modèle qui respecte les personnes dans leur choix, dans leur intégrité, dans leur dignité, et ce, jusqu’au bout. La personne malade doit être au centre des soins d’accompagnement mis en œuvre pour son confort physique, psychique et social ; cela nous paraît constituer une véritable avancée. L’aide à mourir doit également être possible dans le cadre de cet accompagnement.

L’aide à mourir constitue bien le soin ultime, dès lors qu’elle répond à la demande d’une personne malade, qui ne peut guérir et qui ne peut plus tolérer ses souffrances. Il est nécessaire que cette demande puisse être formulée par des directives anticipées rédigées en conscience, ou directement par la personne capable de discernement au moment où elle l’aura choisi. L’écoute, l’empathie et le respect sont autant de marqueurs essentiels de notre relation à l’autre, de notre humanité. Permettre à une personne en souffrance une aide ultime, cela relève pour nous de la solidarité.

Au nom des principes républicains qui sont les nôtres, il est nécessaire de faire évoluer le projet de loi pour que chaque personne en France puisse effectivement être libre de son accompagnement de fin de vie, traitée de manière égalitaire et solidaire. Nous comptons sur les parlementaires pour enrichir ce texte pour que, demain, le modèle français de prise en charge de la fin de vie devienne un modèle pour tous, conforme à nos valeurs républicaines.

 

Jonathan Denis est président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et Matthias Savignac est président de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN).

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Euthanasie
Suicide assisté
Soins palliatifs
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